Un air de famille [Helen]

L’enterrement de Pacey Conrad hantait les nuits de Maureen depuis qu’elle y avait assisté. Elle revoyait sans cesse cette femme, au visage si familier. Ce visage appartenant à sa mère, mais avec quelques années en plus et des cheveux bien plus court que dans son souvenir. Sa mère serait toujours la plus belle aux yeux de Maureen, elle aurait tellement voulu lui ressembler. Elle était parfaite aux yeux de la petite : toujours bien habillée et apprêtée malgré son travail ingrat. Toujours le sourire, ça elle en avait hérité. Maintenant il ne lui restait que des photos un peu passées, elle avait parfois l’impression de l’oublier et dans ses moments-là, elle remettait le nez dans ses albums de famille et retrouvait un peu de sérénité. Mais là, coincée à New Carby, avec sa voiture en panne et plus de papiers sur elle, elle n’était plus en mesure de retourner à Boston pour aller fouiller dans ses albums de famille à la recherche d’une photo.

Elle se sentait seule, orpheline et cela lui en coupait presque la respiration.

Elle avait été voir Max pour le réconforter de la perte de son mari, ils avaient même été faire un saut au cimetière pour voir si tout avait bien été fait. Si l’herbe recommençait à pousser, si la plaque était bien installée, etc... Elle avait préféré le laissé un peu tranquille pour qu’il se recueille et elle en avait fait de même sur la tombe de ses parents. La tombe était dans un piteux état, la plaque était toute pleine de mousse. Il n’apparaissait que le nom de famille des Morgan. Elle avait eu un frisson en regardant cet emplacement et cette plaque. Cela faisait tellement longtemps qu’elle n’était pas revenue. Après quelques minutes à se souvenirs de ses parents et de son frère, elle était partie rejoindre Maxence, frôlant une dernière fois la pierre tombale et elle avait reçu comme une décharge, la stoppant net dans son élan. Comme si sa famille lui avait lancé un message.

Elle ne se sentait presque plus seule et elle avait le cœur qui battait la chamade.

C’est le lendemain, après une bonne nuit de sommeil sans rêve qu’elle avait décidé de faire un tour aux abords de la ville. Dès qu’elle avait ouvert les yeux, elle avait eu comme un besoin irrésistible de revoir la maison où elle avait grandit. Elle n’était plus certaine qu’elle soit encore là, vu dans l’état qu’elle l’avait laissé quand elle avait du la vendre. Cela lui avait brisé le cœur de vendre la maison de son enfance, mais après la mort de ses parents et le déclin de son frère, elle n’avait pas eu le choix. Et comme le lui avait dis Lan, l’âme des défunts s’accrochent parfois aux objets dont les vivants ne veulent se séparé. Elle ne savait si ses parents avaient trouvé la paix après la vente de la maison, mais une chose était sûr, elle n’avait plus voulu y faire un tour. Mais les années avaient passées. Cela faisait plus de 15 ans qu’ils n’étaient plus et Maureen avait envie de revoir ce terrain à moins d’un kilomètre de la ville, et cette maison simple mais si riche de souvenirs. Pour l’occasion, elle avait décidé de se parer de ses plus jolis vêtements qu’elle avait pu récupérer dans sa voiture accidentée. Son pantalon de tailleur noir, sa veste en toile zippé aubergine, ses bottes à talons et ce foulard mauve qu’elle avait mis avant de prendre la route pour New Carby. Elle n’était pas du genre “victime de la mode”, loin de là, mais ce jour était spécial, et après ce qu’elle avait ressenti au cimetière le jour d’avant, elle se sentait presque obligé de s’habiller au mieux, comme pour montrer à sa famille qu’elle n’était plus la souillon qu’elle avait pu être à une époque. C’était une jeune femme bien dans sa peau et dans ses vêtements, épanouie, ou du moins qui avait tout fait pour s’épanouir, malgré tout ce qui avait pu lui arriver.
Elle était passé par ce petit chemin qui existait toujours et qui la conduit directement jusqu’à son ancien chez-elle. Elle était émue, la maison était toujours là, elle avait même été retapée et ressemblait exactement à sa maison d’autrefois.
Pas une tuile ne manquait au toit, la balustrade de la chambre de ses parents à l’étage avait été réparée, l’entrée avait de nouveau une belle porte de bois blanc. Mais ce qui émue le plus Maureen fut le jardin et sa clôture refaite entièrement et à l’identique. C’était comme si elle avait fait un bon dans son passé, comme si rien n’avait changé depuis ses 10 ans. A mesure qu’elle se rapprochait de la modeste propriété, elle distinguait une femme. Et soudain...

Son cœur battit la chamade et elle en eut le souffle coupé.

La femme se tenant au milieu du jardin, c’était cette femme qu’elle avait vu au cimetière. Et c’était le portrait craché de sa mère. Elle avait retenue sa respiration depuis le moment où elle l’avait reconnue et quand elle arriva au niveau de la clôture, Maureen se rendit compte qu’elle faisait de l’apnée et reprit une bolée d’air, se retenant à la clôture. Le manque d’air lui avait tourné la tête. Cette femme ressemblait tellement à sa mère. Et la voir devant cette maison lui faisait venir les larmes aux yeux. Elle n’arrivait pas à penser, à réfléchir mais une chose était certaine, elle devait parler à cette femme. Mais rien ne sorti de sa bouche qu’un faible :

- Bonjour

L'après-midi était désormais bien installée, et dans ce petit coin retiré de la périphérie de New Carby, on ne peut pas exactement prétendre que la végétation soit luxuriante assez pour faire profiter d'un peu d'ombre les habitants du coin. Au lieu de ça, les habitations étaient bâties avec des porches offrant un espace suffisant pour installer quelques chaises et de quoi rester à l'ombre et au frais de l'obscurité. Aujourd'hui n'était pas différente, et bien que le soleil ne soit plus à son zénith, il restait néanmoins bien haut dans le ciel.

Vue de l'extérieur, la maison que j'occupais avec Paul ne payait pas de mine. Entière, bien entretenue, mais foncièrement simple comparé aux villas que l'on pouvait trouver de l'autre côté de la ville. Oui, des villas, alors que la logique aurait voulu que ça soit des ranchs, ou quoi, nous étions à la "campagne" après tout. Mais je m'en fichais de la modestie de ma demeure, après tout, ce n'était qu'un paquet de mur surmontés d'un toit, ce n'est pas ce qui en faisait sa valeur à mes yeux. Aujourd'hui, elle était vide, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à tout ce que nous y avions vécu. Au temps où nous nous roulions dans l'herbe en riant à pleins poumons. Cette maison, nous l'avions achetée très jeunes, du temps où nous n'avions pas énormément de moyens, et je suis fière aujourd'hui de voir ce que nous en avions fait.

Paul était au ranch, je profitais d'un jour de congé, Molly était chez une copine et Jack était.... Dieu seul sait où. J'avais la maison à moi seule et je comptais bien en profiter pour une fois. J'ai bien tenté de lire un livre, mais après avoir passé la matinée à nettoyer un peu la maison, je ne parvenais pas à réellement tenir suffisamment inerte juste pour rester assise à tenir un bouquin. Alors je suis passée à ma seconde occupation favorite: le dessin. Je ne me considère pas comme une pro, mais j'adore jouer sur les contrastes et la profondeur d'un format 2D. Alors je me suis installée avec du papier et un crayon, et j'ai laissé passé le temps entre mes coups de crayon. J'ignore combien de temps exactement s'est écoulé, mais ça devait au moins faire une heure, si j'en jugeais sur la différence positionnelle du soleil dans le ciel de New Carby (randonneuse, souvenez-vous XD). Ce n'est pas tant l'ennui qu'une sensation étrange qui me fit lever les yeux de mon croquis. La sensation d'être épiée, observée, le genre qui vous fait avoir l'instinct aux aguets. Au petit "bonjour" qui s'échappa, je me suis retournée et je l'ai alors aperçue. Une très belle jeune femme se tenait tout contre ma clôture, très élégamment vêtue.

Debout en instant (on m'a toujours dit que j'étais très énergique et volontaire, quand je m'y met) et après avoir déposé mon matériel, je m'approchais de la clôture juste assez pour faire signe à cette demoiselle de la longer afin de parvenir au petit portique. Je déteste causer avec ce morceau de bois entre mon interlocuteur et moi, qu'il soit ou non un étranger. Et je dois avouer que cette jeune femme, tout en m'étant terriblement familière, ne me disait rien du tout, et pourtant je me félicite de connaître tout le monde ou presque en ville. Ce n'est pas comme si New Carby était si immense, après tout..

La pauvre enfant semblait terriblement timide, et je pouvais remarquer les relents de quelques larmes qui refusaient de couler le long de ses joues. Troublée par la familiarité étrangère de cette personne, je ne pouvais m'empêcher d'être avenante malgré tout. On ne change pas une nature qui marche, pas vrai ?

Bonjour! Puis-je vous aider?

Je lui décochais un sourire pour la mettre à l'aise, et l'invitais à entrer dans ma propriété. La pauvre femme semblait tétanisée et pendant un instant, j'étais persuadée qu'elle avait vu un fantôme. Non, pas de fantôme dans ma maison, ça fait bazar...

Puis-je vous offrir quelque chose à boire?

Je devais encore avoir de la limonade que j'avais fait la veille avec Molly. La pauvre jeune femme semblait totalement perdue et je ne pouvais m'empêcher de vouloir la rendre plus confortable. Peut-être que ça la pousserait à me dire ce qu'elle faisait si loin du reste des habitations du coin, dans ce lieu désolé des environs. J'avoue, ma curiosité était piquée à vif....

Elle avait l’impression d’être dans un rêve. Longtemps Maureen avait fait ce songe à la fois enchanteur et tellement perturbant, où elle se retrouvait chez elle et que sa mère l’attendait sur le perron, comme maintenant. Sans un bruit, sans un mot, comme si la jeune femme avait oublié la voix de sa mère, elle lui faisait signe de venir vers elle et au moment où elle était sur le point de la toucher, tout s’envolait. L’image de sa mère s’en allait en fumé, et elle se réveillait souvent en pleur. Son impression de rêve était tellement réelle qu’elle se croyait encore endormie. Dans cet état mi-endormi, mi-éveillé, au moment où le sommeil s’en va et que l’on reprend doucement contact avec la réalité.
Pour se convaincre de la réalité de la situation, elle avait été obligée de se pincer... Mais malgré la douleur qu’elle avait ressentie, elle avait toujours ce sentiment étrange d’être dans un autre monde... Surtout lorsque la femme s’approcha comme dans ses rêves. Son cœur qui c’était pourtant calmé, recommença à faire des bonds dans sa poitrine. Elle du regarder son torse afin de s’assurer qu’il n’allait pas s’en aller. Elle posa une main sur son cœur lorsque la femme aux allures si familières lui lança un bonjour et lui proposa son aide.

Cela ne pouvait pas être possible, cette voix qu’elle avait entendue dans son enfance raisonnait de nouveau dans ses oreilles. Et le sourire que la femme lui offrit termina de l’achever. Elle ne pouvait être que dans un rêve. A moins qu’elle soit dans le coma, que tout ce qu’elle avait vécu depuis son arrivé en ville ne soit pas vraiment arrivé. Peut-être l’accident avait été plus grave et peut-être qu’elle était allongée, sur un lit d’hôpital. Elle se demanda si elle n’était pas devenue folle. Après tout, revenir à New Carby avait été une folie. Entre rire nerveux et larmes, Maureen se décida à suivre les indications du sosie de sa mère et ouvrit le portail blanc. Suivant le petit chemin qui menait jusqu’à la maison, elle n’osa trop rien dire jusqu’à ce que son hôte lui demande si elle avait soif.
Elle était morte de soif, la chaleur n’était pourtant pas si étouffante que ça, mais l’émotion l’avait totalement déshydratée. Elle répondit la voix un peu érayée par sa gorge sèche :

- Oui avec plaisir.

Elle n’osait pas faire un pas de plus, restant en bas des quelques marches du perron, elle ne voulait pas franchir le pas. Elle avait peur, tout simplement. Peur que tout ceci ne soit qu’un rêve, peur que l’image de sa mère ne s’évanouisse de nouveau si elle prenait contacte avec elle.

» Helen Morgan